À l’aube du Défi Bonneville 404

Depuis plusieurs années, j’accumule compulsivement le pédalage. Depuis cet hiver toutefois, j’ai changé mon point de mire. L’importance que j’accordais au volume a cédé place à un certain intérêt à pousser des watts. Toujours plus de watts. Ayant équipé mes vélos principaux pour mesurer ces données, je suis devenue une fan de ces chiffres, où le défi d’abaisser mon w’balance est devenu le jeu de chaque entraînement. Conseillée par Guillaume, et de façon tout à fait logique, nous avions comme objectif de l’hiver d’augmenter mon FTP afin de m’aider à accomplir mes défis de longues distances.

Le hic, c’est que j’ai pris goût à la puissance. Je sais qu’encore dort quelque part en moi ce plaisir du vélo « all day long », zen et méditatif mais aucunement chochotte, intense sans être à fond. Pourtant, j’ai développé une maligne satisfaction à atteindre un NP toujours plus haut.

Le défi de l’été a été de concilier ces paramètres, entre le désir de la puissance et le plaisir de l’endurance. Le plan a donc été de renouer avec les longues distances. Le très connu pour moi Montréal-Ottawa a été un premier pas, fait juste pour le plaisir de comparer l’aisance par rapport à cette même route faite quelques fois les années précédentes.

J’aurais aimé faire davantage. La vie en a décidé autrement. J’avais prévu faire la traversée du Vermont. Avec la petite famille de mon frère comme « sherpa » accompagnateurs sur ma route, j’ai semble-t-il impressionné la puce de Rafaëlle, 4 ans, qui voyait sa tante apparaître à vélo, aux points de rencontre, alors qu’elle avait déjà parcouru une route qui lui semblait très longue en voiture. Mais le voyage ne s’est pas déroulé comme espéré. Une douleur au genou est apparue aux premiers tout premiers kilomètres, qui étaient une grimpe abrupte d’une quinzaine de bornes. La douleur ne m’a pas quittée de tout le parcours, m’empêchant rudement de pousser comme je le désirais, comme je m’en savais normalement capable. J’ai malgré tout toléré cette douleur pendant 228 km, entre Brattleboro, lieu de départ, et Burlington, où j’ai pris la sage décision de ne pas poursuivre le chemin mais plutôt de rentrer à Montréal en voiture, avec mes sherpas. La route qui devait s’étendre sur 386km s’est arrêtée là. Sans de regret, mais plutôt avec la satisfaction de m’être respectée, pensant avec sagesse qu’il ne valait pas la peine d’aggraver une potentielle blessure dont je ne connaissais pas la source à ce moment-là.

Après tout, ce défi n’était pas un objectif en soi, mais plutôt une préparation à l’ultime défi de la saison; le 404 km du défi Bonneville, à venir. Le but était de mettre à l’épreuve mes capacités de gérer ma puissance nouvellement acquise, jumelée avec ma capacité d’endurance que j’avais déjà depuis quelques années. Mais aussi d’améliorer mes plans d’alimentation de d’hydratation sur la route, encore perfectibles. Ceux-là font partie intégrante de la bonne performance, et de l’aisance à accomplir un tel défi. Après tout, c’aura peut-être été une défaillance de ma course de l’année dernière (ça, et/ou la mauvaise gestion du froid), m’ayant coûté une demi-heure d’arrêt nécessaire avant de terminer mon second 202 km de mon premier défi Bonneville.

J’aurais voulu davantage pour la préparation. Plus de longues distances. Parce que la vie est la vie, d’autres « balades » initialement prévues n’ont pas eu lieu. Mais parce que la vie est bonne, mon genou ne manifeste plus du tout d’inconfort, m’apportant un grand soulagement, ainsi qu’une pensée particulière à Warwick Long et Josiane Raymond pour leurs soins généreux. Les watts continuent à me surprendre par leur hausse. Et la motivation est au plafond. Je suis sur la bonne route : celle de Tremblant pour le défi Bonneville !

C’est avec un enthousiasme débordant et irrépressible que j’ai passé cette saison avec ma perle de Marinoni, cette année rehaussée de Record EPS. À précisément une semaine de la course Bonneville, j’ai les jambes toniques et pleines d’entrain. Comme jamais. J’ai un élan de super héros dans les poumons. Et une myriade d’étoiles dans la tête. Je mets à l’épreuve ce corps qui lui-même m’a jadis mise à l’épreuve. J’ai une envie folle de me dépasser, et de vivre cette grisante satisfaction d’avoir tout donné. Fini l’obsession, place à la passion. Mais quelle passion !

Tour du Silence

Demain le 15 mai sera dans plusieurs régions le Tour du Silence. Chantal Vanasse a l’occasion d’être la porte-parole de l’événement à Laval. Voici en ses mots ce que reflète ce Tour.

C’est avec une fierté certaine que j’assume ce rôle de porte parole pour l’événement du tour du silence. Pour les deux raisons que je suis une cycliste aguerrie depuis plusieurs années, ayant subi un grave accident vélo contre poids lourd en 2011. Ce qui aurait pu me coûter la vie, la pratique du vélo, n’a repris que de plus belle, plus intensément, sans jamais que je connaisse la peur de remonter, tellement mon amour pour le sport a toujours été dominant.

Malgré mon expérience malencontreuse en 2011, je n’entretiens pas l’idée que ce sport soit dangereux. Il comporte des enjeux, comme la plupart des sports, mais comme la vie en générale aussi. Mathilde Blais, décédée à vélo en 2014, était mon élève des cours d’éducation somatique que j’enseignais avant mon accident. J’ai été personnellement touchée de la mort de cette jeune femme qui avait un mordant franc dans la vie. Clément Ouimet était une figure connue du monde du cyclisme; sa mort a suscité une grande mobilisation. Les autres, on les oublie tristement. Un vélo blanc est un emblème du manque de cohabitation. Il ne transporte trop souvent pas le nom de son défunt. Quoiqu’il en soit, cet emblème devrait porter à réfléchir, pour tout un chacun. C’est la raison initiale du Tour du silence. Se rappeler.

Mais aussi réfléchir, donc. Avec tous ces kilomètres parcourus, et par une conscience que j’ai toujours eue, sur la route je m’applique à une conduite modèle. Je m’applique aussi à une conduite sécuritaire. Malheureusement, les deux paramètres ne sont pas toujours conciliables. Il faut user de jugement, de vigilance, mais sans refréner nécessairement notre plaisir de la vitesse, je crois. C’est possible. Après tout, un arrêt bien fait n’est qu’un prétexte pour un meilleur entraînement en « stop and go », non !? Que le plaisir d’une nouvelle accélération grisante. Respectant tout du code de la route, c’est pourtant pour avoir pensé qu’on respectait ma priorité évidente que j’ai été heurtée par ce poids lourd alors que je m’entraînais sur l’avenue Masson à St-François. Sept longues années en arrêt de travail. Et des conditions qui auraient pu mettre en jeu mon parcours en danse contemporaine et en éducation somatique. 

Ce que je veux partager ici, c’est donc ma passion du vélo d’abord. Mais de dire qu’elle est tout à fait conciliable avec la sécurité, le respect du gros bon sens routier (je n’oserais ici dire des règles, qui sont souvent à notre détriment), et surtout du partage de la route. Bien séance, contact visuel systématique aux intersections, conscience de l’autre. Et malheureusement, rester éveiller à la notion que l’autre (cycliste, piéton, conducteur) ne rend pas toujours la pareille de cette conscience, mon accident me l’a démontré.

J’aime finalement ne pas généraliser et tenir un discours du « bon » et du « méchant moyen de transport. Des rebelles, il y en a, quelque soit ce que l’on conduit, pieds, guidon, volant. Il faut simplement conscientiser tout le monde utilisant la route qu’il s’agit d’un terrain commun où circulent différents moyens de transports, qui ont différentes conditions, avec différents degrés de sécurités.

C’est sûrement ma profession d’éducatrice somatique qui me fera aller sur cette conclusion; la conscience de l’autre serait selon moi la ligne de conduite principale à adopter. Ça, et le plaisir, bien sûr !

Jouer au vélo

Le premier événement de 404km, au Défi Bonneville, réalisé en septembre 2018, n’a été qu’un apéro. Qui m’a ouvert l’appétit sur une faim que je crois bien insatiable. Rouler plus ? Le puis-je vraiment, après avoir fait des années successives de 45 000 et 48 000 km ? Ce ne serait pas sain. Que dire de rouler mieux par contre ? Oh là, on ouvre une porte! Grande ouverte par les compétences, l’équipement et surtout la générosité infinie de Guillaume, à Hors Catégorie.

Le projet sur la table, on laisse une récupération de fin de saison (le mieux soit-elle puisque je continue à rouler à « mon rythme »; quelques heures par jour). En décembre finalement, on passe le pas de cette porte. Je commence à « jouer » de façon régulière à la boutique. Oui parce que j’ai tellement de plaisir à me donner à bloc sur les joujoux vélos et « smart trainer » de Guillaume que je ne sais le voir autrement qu’un jeu. Il parait même que je souris lors d’un test de FTP, c’est pour dire!

Les premiers pas sont donc de faire ce fameux test; le FTP. Pour faire le point sur mes capacités. Sans attente, puisque j’ai un entraînement peu conventionnel, fort en volume mais faible en intensité, Guillaume et moi restons malgré tout un peu surpris du résultat. Bas. J’apprendrai par contre trois jours après ce test que j’ai une anémie « dans la cave », pour citer ma médecin. Nous relativisons et ne faisons donc pas un cas du résultat, gardant pour seul objectif d’observer la progression des données, dans un respect certain de ma condition. Je m’entraîne donc avec l’autorégulation que je me connais; en écoutant mes limites du moment, sans pour autant être chochotte.
Quelques entraînements en décembre, donc. Puis une pause des fêtes, des « games » avec Guillaume, mais aussi des cours d’aquaforme et d’aquaspining que je donne, qui me drainent beaucoup d’énergie. La relâche, de même que les suppléments de fer et les modifications alimentaires conseillées par ma nutritionniste sportive (Merci Ève Crépeau !), sont bénéfiques. Dès le retour en janvier, Golden Cheetah est content. Guillaume et moi aussi.
À raison de deux fois semaine en intensité, d’abord on alterne aléatoirement entre des
simulations; Tourmalet, Ventoux, Mortirolo, et des entraînements par intervalles, ceux-là plus anaérobiques. Le reste des jours de la semaine, en plus des cours que j’ai recommencée à donner, j’accumule du volume sans objectif d’intensité, fidèle à l’entraînement que j’ai l’habitude de faire depuis plusieurs années; on ne perd pas ses vieilles habitudes. Après quelques semaines, Guillaume convient que ces deux entraînements structurés par semaine seraient plus payants à être focalisés sur l’intensité par intervalles uniquement. GO !

Que dire de tout ça !? De développer de plus en plus cette passion pour le #toujoursplus ! Pour la devise inscrite sur un bib de Hors Catégorie; « Quand y’en n’a plus, y’en a encore »  que je me dis et aussi constate si souvent en cours de séances. Que dire de cette euphorie grisante de fin d’entraînement quand toute la chimie de mon corps me remercie d’avoir tout donné. Un sourire béat irrépressible ! C’est ça; jouer au vélo.

Le 13 janvier dernier, j’ai officialisé mon inscription pour le 404km 24h. Alors que j’avais fait cette épreuve sur deux jours en 2018, ma participation à la version « all in » de l’édition 2019 est un nouveau défi qui m’enthousiasme plus que tout. Avec cet entraînement des lunes plus structuré, je me sens grisée, allumée ! Gonflée à bloc. Déjà !!! Après chaque entraînement avec Guillaume, c’est avec un plaisir certain que j’apprends à lire les dédales de Golden Cheetah, et à en constater les résultats émis par la lecture. Le 26 janvier, j’ai refait un test FTP. Avec une hausse très satisfaisante. À la fois démontrant que l’anémie est en bonne partie derrière moi, et/ou que les bénéfices de l’entraînement se font déjà ressentir. On aime ça ! Bien sûr, il faut rester réaliste, qu’une telle courbe ne gardera pas son ascension de façon régulière, mais quoiqu’il en soit, on ne peut espérer que du bon de tout ce processus. Et de toute façon, ce n’est qu’un chiffre. Qu’un résultat représentatif du plaisir que j’ai. Pas un
objectif en soi. On atteindra ce qu’on pourra. Parce que je veux avant tout jouer au vélo.
Je poursuis de jouer, raffinant tout de ma technique, depuis la finesse de mon coup de pédale jusqu’à ma capacité, jusque à plus ou moins efficiente et plus ou moins aisée de m’hydrater.

Reste encore beaucoup à faire. Chaque entraînement est un plaisir. Après bien sûr, mais surtout pendant. Sentir que cette bibitte humaine qu’est mon corps a encore tant à me révéler en termes de capacités a vraiment quelque chose d’exaltant.

Jouons !!!